À la suite de l’appel à candidatures lancé par la Fédération Guinéenne de Football (FEGUIFOOT) pour le recrutement d’un nouveau sélectionneur du Syli National, Amadou Tham Camara, président de l’Association de la Presse Sportive de Guinée, a livré une analyse lucide ce vendredi 26 juin, au cours d’un entretien exclusif accordé à notre rédaction. Une prise de parole qui soulève des questions de fond sur les véritables ambitions sportives de la Guinée.

Quel entraîneur pour quelles ambitions ?

Dès l’entame de son intervention, Amadou Tham Camara va droit au but :
« Le profil d’entraîneur que la FEGUIFOOT recherche doit-il se limiter à un technicien capable simplement de qualifier la Guinée à la CAN et d’espérer atteindre les quarts de finale ? Ou bien vise-t-on enfin à remporter la CAN et à décrocher une qualification à la Coupe du Monde ? »

Une interrogation essentielle qui renvoie à un enjeu fondamental : la cohérence entre les objectifs fixés et les moyens mis en œuvre.

Pour lui, si la Guinée nourrit de grandes ambitions sur la scène africaine et mondiale, cela doit se traduire par un investissement conséquent, en particulier dans le choix du futur sélectionneur.
« Les bons entraîneurs coûtent cher. Si l’on aspire à jouer dans la cour des grands, il faut accepter d’y mettre le prix », insiste-t-il.

Amadou Tham Camara dresse un constat sans appel sur le passé récent du Syli National : « Les entraîneurs rémunérés entre 25 000 et 30 000 dollars par mois n’ont, au mieux, permis d’atteindre les quarts de finale. » Il cite notamment Michel Dussuyer, Patrice Neveu ou encore Norbert Noussioré, des techniciens dont les résultats n’ont pas répondu aux attentes d’un peuple en quête de gloire sportive.

Selon lui, seule une vision ambitieuse et structurée permettra à la Guinée de franchir un cap, ce qui passe inévitablement par le recrutement d’un sélectionneur de classe mondiale, dont le salaire pourrait osciller entre 50 000 et 100 000 dollars par mois. Mais cela suppose une réelle volonté politique, une mobilisation des ressources de l’État, et la mise en place de partenariats solides, notamment avec le secteur privé.

Miser sur les anciens internationaux : un modèle à suivre ?

Au-delà du débat autour des entraîneurs étrangers, le journaliste plaide également pour une implication accrue des anciens internationaux guinéens dans le processus de formation et d’encadrement technique. Il prend en exemple le modèle sénégalais, symbolisé par Aliou Cissé, qui a brillamment réussi sa reconversion en tant que sélectionneur.

Cependant, il émet une réserve : « Je ne sais pas quels diplômes possèdent nos anciens joueurs, mais il est indispensable qu’ils s’engagent sérieusement dans des formations adaptées. » Un message clair : le patriotisme, aussi sincère soit-il, ne saurait remplacer la compétence technique et les qualifications requises.

Le poste de gardien de but : le talon d’Achille du Syli

Autre point d’alerte soulevé par Amadou Tham Camara : la faiblesse structurelle de la Guinée dans la formation des gardiens de but. Un problème persistant depuis des décennies et qui freine, selon lui, les ambitions du Syli National.

« Nos gardiens sont souvent le maillon faible de l’équipe. Pourtant, aucune grande nation ne remporte de titres sans un gardien de haut niveau », rappelle-t-il, citant l’exemple de l’Argentine, la Côte d’Ivoire, le Sénégal ou encore le Cameroun, qui doivent en partie leurs succès à des portiers d’exception.

En Guinée, regrette-t-il, le poste est négligé, les encadreurs manquent de formation et de diplômes : « C’est un véritable handicap qu’il faudra impérativement corriger. »

Une nomination déterminante pour l’avenir du football guinéen

À travers cette sortie médiatique, Amadou Tham Camara lance un appel à la lucidité, à la cohérence et à la réforme en profondeur. Pour lui, recruter un entraîneur sans définir clairement les objectifs, sans s’assurer des moyens nécessaires et sans exiger les compétences adéquates, reviendrait à construire sur du sable.

Il appelle à une mobilisation collective de toutes les forces vives : l’État, la FEGUIFOOT, les anciens joueurs, les formateurs et le secteur privé.

« Le Syli National ne changera de dimension que si nous engageons une réforme profonde, structurée et durable », conclut-il.

Le prochain sélectionneur ne doit donc pas être un simple choix administratif, mais le point de départ d’une nouvelle ère, où ambition, professionnalisme et vision à long terme guideront enfin le football guinéen vers les sommets continentaux et mondiaux.

Ibrahima Limbita Camara